S’il n’était pas perclu de problèmes techniques liés à une optimisation catastrophique, The Ascent, le nouveau twin-stick-shooter de Neon Giant serait parmi les plus sérieux candidats pour le jeu de l’année 2021. Le studio, fondé par des vétérans ayant officié sur des pépites du shooter comme Bulletstorm, Far Cry 3, Gears of War ou encore Doom et Wolfenstein, a réussi toute une série de perfects sur son bébé cyberpunk, notamment en créant une ville criante de réalisme, densément peuplée par des PNJs très réactifs, bavards et occupés, dont le moindre coin de rue est détaillé à un niveau qui confine à l’obsession. L’autre énorme point fort réside dans un gameplay à la fois simple et addictif, qui allie ergonomie et souplesse avec une intelligence étonnante. On peut décemment espérer qu’une fois aplanis les soucis relatifs aux performances du jeu, on ait entre les mains un grand classique du genre, c’est juste dommage de devoir passer auparavant par une phase qui aurait normalement dû être gérée avant la sortie du jeu.
The Ascent vous place dans la peau d’un(e) trimard(e) des bas-fonds d’une arcologie (une grande architecture citadine verticale permettant de caser une population ultra-dense dans un minimum d’espace) installée sur la planète Veles. Endetté(e) à vie, vous êtes l’esclave moderne de The Ascent, une des méga-corporations qui possèdent la ville. Vous commencerez d’ailleurs la phase tutorielle littéralement dans les égouts de la ville, avant que votre chef, un petit voyou qui a juste le privilège d’être un cran au-dessus de vous dans la hiérarchie des soudards locaux, vous apprenne que la corporation vient de s’effondrer, ouvrant les portes à une récupération sauvage potentielle de toutes les autres corpos désireuses de se saisir des actifs de The Ascent. Vous serez ensuite entraîné(e) dans les méandres politico-mafieux de ce pugilat et découvrirez bien évidemment que les apparences cachent un bon nombre de secrets qui feront grimper les enjeux au fur et à mesure que passera la vingtaine d’heures de jeu.
Ce n’est pas son histoire qui vous restera en tête quand vous verrez défiler le générique de fin de The Ascent, mais bel et bien ses environnements et son gameplay qui, combinés tels qu’ils le sont, donnent le sentiment de réellement évoluer au sein d’une métropole futuriste cradingue et surpeuplée où les altercations armées sont monnaie courante. La lumière, la pluie, le vrombissement constant des drones qui vous survolent, les ruelles obscures où gisent des camés avachis, les places encadrées de néons où les foules se massent pour discuter, les boutiques et leurs enseignes en hologrammes, les mouvements permanents d’une population affairée, tous les aspects de la vie urbaine sont finement orchestrés dans un ballet incessant qui participe à l’immersion à un degré de réalisme bien plus important que dans la plupart des jeux du genre visant un tel effet (et on pense évidemment à Cyberpunk 2077, dont l’IA catastrophique des PNJs ne permet jamais d’obtenir un rendu aussi saisissant).
Cette immersion totale est accentuée par une caméra qui s’avère être quasiment un personnage à part entière, dotée d’une rare intelligence. Suivant le type d’action (exploration, combat, discussion), le lieu ou les événements en cours, le cadre de The Ascent n’a de cesse de changer, de se réadapter, de zoomer, élargir, resserrer, vibrer… Que ce soit parce que vous passez à proximité d’un hélicoptère venant s’écraser sur un immeuble, parce que vous vous engagez dans un couloir ou que vous abordez une zone ouverte, la caméra s’évertue tout le long du jeu à chorégraphier sa présence et sa distance vis-à-vis de l’action. Tantôt shoot’em up vu de côté, tantôt gunplay en vue zénithale très haute, isométrique la plupart du temps, le point de vue pourra aussi bien se placer en mode troisième personne le temps du trajet d’une plateforme. Cette multiplication des valeurs de cadre est une plus-value immense pour l’immersion dans le jeu. Conscient de la beauté de ses environnements, The Ascent a même prévu, si vous décidez de rester immobile quelques secondes au bord d’une rambarde pour admirer la vue en contrebas, que la caméra se détache lentement de votre personnage pour scruter en plan plus large le panorama qui vous intéresse. La subtilité du processus est hautement appréciable.
Ces rues si vivantes sont aussi l’écrin parfait pour des fusillades au rythme électrique. Dès lors que vous vous mettrez à défourailler, les passants commenceront à paniquer pendant que vos ennemis se placeront à couvert. Les badauds partiront dans toutes les directions comme des dératés, certains prendront des balles perdues et s’étaleront au sol, d’autres réussiront à s’échapper. Cette mécanique toute bête donne un aspect vécu et pris sur le vif aux échanges de coups de feu. Il faut dire que le gunplay est aussi particulièrement bien conçu. Comme dans tout twin-stick-shooter qui se respecte, les axes de visée sont précis, le relief des décors est à surveiller et les différents types d’ennemis vous forceront à varier les approches. Charger ceux qui restent à couvert, esquiver les plus kamikazes, un peu de crowd control pour les foules hostiles plus fournies, alterner le balistique et l’énergétique suivant qu’on tire sur des humains ou des robots, vider son arme dans The Ascent est une source de plaisir sans fin, au point que c’est avec avidité qu’on se jette sur les missions secondaires qui restent en suspens une fois la quête principale terminée. Les développeurs ont pris soin d’ajouter des fonctions simples et efficaces, comme un système de couverture vous offrant l’option de vous cacher derrière des éléments de décor tout en continuant à tirer. Un simple pression sur la touche de visée fera monter votre ligne de tir au niveau des têtes des adversaires, vous autorisant à arroser les hordes excitées même quand les ennemis se retranchent derrière des abris ou s’accroupissent au sol. Participant aussi au fun général, le système des munitions de The Ascent qui obéit à un principe très simple : vous aurez TOUJOURS des munitions, à l’infini. Peu importe l’arme, peu importe la mission, peu importe la zone où vous êtes, le réapprovisionnement en balles et cartouches ne sera JAMAIS un problème. La seule contrainte sera de savoir quand recharger.
Du plus profond des égouts aux cimes immaculées de l’arcologie, en passant par le secteur des night clubs, le cosmodôme, les zones de non-droit ou les entrepôts militaires, l’arcologie est un monde semi-ouvert cohérent qui titille sans cesse l’imagination. On pestera parfois contre les distances un peu trop longues à parcourir à pied, rarement réduites par un système de voyage rapide qui n’offre que peu d’options (on ne peut voyager en taxi qu’entre deux quartiers d’un même “étage”, idem pour le métro). Mais ce qui entrave le plus cette glorieuse expérience de jeu, c’est l’optimisation particulièrement aux fraises, qui fait freezer le jeu dès que les explosions à l’écran dépasse le chiffre fatidique de trois en simultané, ou que les ennemis dépassent la vingtaine (ce qui est vite une habitude). À moins de réduire directement les réglages graphiques, The Ascent devient vite injouable, même sur une machine bien au-delà de la configuration recommandée. À noter aussi l’absence de Ray Tracing au lancement sur la version Game Pass, patchée il y a quelques jours lors d’un update qui a accentué beaucoup d’autres problèmes. C’est un peu cruel de nous obliger à brider dès qu’on l’a lancé un jeu aussi fin graphiquement. Mais étant donné que les patches commencent à se déployer, on peut tout de même espérer que dans un avenir proche, The Ascent nous laisse profiter de son incroyable beauté visuelle avec tous les curseurs en ultra…