[TEST] Road 96 : Mile 0, de la suite dans les idées

Le studio DigixArt est sur la route depuis son premier jeu, Lost in Harmony, un runner rythmique sorti initialement en 2016 sur iOs, où l’on voyait les jeunes Kaito et Aya s’évader en skateboard, l’une sur le dos de l’autre, dans des rêveries musicales originales et éclectiques. En 2021, le studio explore une nouvelle fois le thème de l’adolescence à la dérive avec Road 96, un teen-road-trip sur fond de lutte sociale qui a enthousiasmé critique et joueureuses. Le 4 avril 2023, la sortie de Road 96 : Mile 0 ferme cette boucle commencée il y a 7 ans. Cet opus tient en effet lieu de suite à Lost in Harmony et de prequel à Road 96.

Jeu : Road 96 : Mile 0 Genre : Aventure / runner rythmique Studio : Digixart Editeurs : DigixArt, Ravenscourt Date de sortie : 4 avril 2023 Plateformes : PC,  Nintendo Switch, PS4, PS5, XBox One et XBox Series Prix conseillé : 12,96 € solo Testé sur : PC Steam
Kaito se souvient…

Aya a finalement été emportée par la maladie et Kaito fait la connaissance de Zoé, la jeune fille que vous avez rencontrée au bord de la route dans Road 96. Road 96 : Mile 0 est ainsi un parfait trait d’union entre les univers des deux précédents jeux. Chaussez vos rollers, on part sur la route, encore.

Dans Road 96, vous vous êtes débattu contre l’ordre autoritaire du président Tyrak, un tyran patibulaire mais presque qui étouffait son peuple sous le pétrole, la propagande et les violences policières. Vous avez parcouru des milliers de kilomètres à travers la dystopique Petria, en mode backpack pour rejoindre la frontière et comprendre l’odieux complot mis en place par le gouvernement. Vous avez rencontré des ami·es, des emmerdes et parfois, la mort.

Vous aviez dû faire des choix : suivre les Brigades noires en encourageant ou pas leurs actions violentes, défendre les manifestants, l’opposition, soutenir Tyrak, ou au contraire ne jamais prendre parti, au cours de 6 périples différents.

Vous avez surtout rencontré Zoé, aux prises avec son père, ministre du pétrole sous Tyrak, et la terrible vérité qu’elle souhaitait faire éclater à la face du monde.

Road 96 : Mile 0 nous montre la genèse de cet engagement et des différentes voies qui mettaient en tension le premier opus. Il se montre toutefois plus binaire dans les choix qu’il vous offre. Vous suivez tantôt Kaito, tantôt Zoé, en choisissant soit la tranquillité malsaine du consensus établi, soit la rébellion. Bien sûr Zoé DOIT se révolter puisqu’elle doit se mettre en route sur Road 96, mais il est intéressant de s’interroger sur un autre possible.

Cette binarité dans vos choix se manifeste par la barre supérieure qui, jadis, représentait votre santé… Elle matérialise désormais vos convictions, de la certitude au doute pour Zoé, de la rébellion violente à la sagesse prudente pour Kaito.

Les choix proposés sont également plus adolescents, en opposition avec les choix et les conséquences très matures des actes que vous pouviez faire dans Road 96 : vous déchirez des affiches, taguez des murs ou interrompez avec malice une séance de Tai Chi.

Notre histoire passe doucement de l’insouciance au drame, sans vous brusquer. Il ne mettra pas votre moralité autant à l’épreuve qu’avait pu le faire son ainé, mais vous vous trouverez tout de même, essentiellement à la fin du jeu, à faire des choix qui vous demanderont quelques instants de réflexion… et qui pourraient même vous déchirer intérieurement.

À ce titre, Road 96 : Mile 0 n’aura probablement pas la même rejouabilité, il sera bouclé en quelques heures, là où Road 96 vous en proposait a minima une dizaine.

L’insolence de la puberté

Cet opus est plus léger que son aîné et l’humour s’invite dans chaque chapitre, Mile 0 vous met à hauteur d’ado pré-crise existentielle. Vous proférerez quelques bonnes vannes et jouerez des tours à celles et ceux qui vous entourent. Les dialogues sont drôles et vous adorerez faire la nique à Big Brother, enfermer votre garde du corps dans le garage ou faire un discours sans queue ni tête là où votre père devra donner le sien, jusqu’à ce qu’on vous jette des tomates à la figure.

POV : vous « distribuez » le journal.

La ville de White Sands où se déroule l’intrigue est une comédie à elle seule, une comédie noire, où vous êtes surveillés de près par les caméras du gouvernement tandis que des haut-parleurs vous rappellent à l’ordre et vous indiquent qu’il est l’heure de manger, de travailler ou de vous détendre. Le soleil est riant, les pelouses bien tondues, ses habitants bien résignés. Ce simulacre de paix agressif vous fera rire jaune, vous qui savez que nous n’en sommes pas si loin aujourd’hui…

Même les gros tracas tout de même bien sérieux qui vous tomberont dessus seront résolus avec quelques pirouettes… et un bon sens du rythme.

Un runner narratif

J’avoue avoir été très surprise par le gameplay de Road 96 : Mile 0, qui n’a pas grand-chose à voir avec le premier opus. La seule chose qu’il en reste, ce sont les dialogues à choix, pour le reste, c’est une toute nouvelle expérience de jeu.

Il ne se déroule plus dans un monde précalculé long de milliers de miles, mais dans la ville de White Sands, où vous pouvez évoluer plus ou moins à votre guise dans 3 de ses quartiers (le quartier des riches, celui des pauvres et le parc présidentiel), auxquels s’ajoutent votre planque, où vous vous retrouvez au début de chaque chapitre.

Vous devrez mener une petite enquête concernant le rôle du président et du père de Zoé lors des évènements du 9 septembre 1986, tout en découvrant le monde qui vous entoure et les émotions qui vous agitent. L’amitié de Kaito et Zoé, en effet, va vivre des hauts et des bas puisque tout les oppose : elle est née avec une cuiller en argent dans la bouche, tandis que le jeune homme vit dans un sous-sol, dans le ghetto de la ville.

Pour faire avancer l’intrigue, vous devrez fouiller votre environnement à la recherche d’indices et d’objets à collectionner pour votre planque, et faire évoluer cette relation, vers la confiance ou la défiance, en dirigeant l’un et l’autre protagoniste à tour de rôle. Ces phases d’explorations sont assez superficielles et de toute façon, les quartiers explorés ne sont pas bien grands.

À vos périples dans ce petit monde ouvert s’ajoutent des courses, en roller ou en skate, où vous devrez compléter différents parcours en ramassant un maximum de points. Ces phases de running sont très bien intégrées à l’histoire (il s’agit de fantasmes dans la tête de nos deux ados, comme dans Lost in Harmony), mais elles sont surtout rudement bien menées. Mise en scène efficace des peurs et des espoirs des personnages, décors épiques, perturbants ou changeants, elles offrent de belles respirations à l’histoire de Kaito et Zoé ainsi qu’un challenge tout à fait sérieux, pour ne pas dire impitoyable.

Pour celles et ceux que ça ne passionnent pas ou qui s’obstinent à se planter en boucle sur le même obstacle, le jeu offre tout de même la possibilité de sauter les passages qui leurs sont trop difficiles, vous n’êtes donc jamais bloqué·e… et vous pourrez toujours y revenir plus tard pour améliorer votre score.

Des rides en rythme dans les fantasmes des protagonistes.

Toujours du bon son !

Ces courses se font bien entendu en musique, toujours dans l’ambiance année 90, électro mention synthwave qui s’accorde parfaitement avec les délires lumineux et versatiles de deux adolescents qui refusent de laisser la poisse du pétrole et les compromissions morales de l’âge adulte les gagner.

Vous retrouverez quelques artistes qui avaient déjà travaillé sur Road 96 comme Kalax ou Robert Parker mais aussi Alexis Laugier qui a assuré la bande-son des jeux As Far As The Eyes et Tinykin. Vous ferez quelques autres découvertes : laissez-vous planer, gratter et chavirer avec Arslan Elbar ou Alex Arcoleo, des adultes qui n’ont pas oublié ce que ça fait d’avoir 15 ans et qui prennent en charge avec beaucoup de sérieux et de réussite les émotions qui vont vous traverser.

Comme pour le premier opus, vous aurez une collection de cassettes (14 au total) à trouver au cours de vos aventures, que vous pouvez ensuite rejouer en vous posant dans un coin du décor. Elles ne sont pas toutes évidentes à trouver et il vous faudra au moins deux parties pour mettre la main dessus.

Un coup de jeune sur la 3D

Dernière bonne surprise : le design. Road 96 assumait pleinement sa 3D économique, avec un parti pris graphique un peu cartoonesque qui arrondissait les angles de son propos dramatique. Ici le ton est plus léger et les graphismes ont été léchés, ensoleillés, bonifiés. La patte graphique colorée et lisse s’accorde bien avec la réalité trop belle pour être vraie de son intrigue. Dans l’ensemble j’ai trouvé le jeu plus beau, plus attrayant, avec des personnages plus travaillés et des décors plus vivants.

Petit coup de polish sur la DA.
Petit coup de polish sur la DA.

Conclusion

Road 96 : Mile 0 risque de souffrir de la comparaison avec Road 96 : plus modeste, plus court, plus linéaire, plus narratif, il n’offrira pas les même sensations ni la même expérience de jeu. Il réussit toutefois son pari : face aux aventures de bord de route où vous risquiez votre vie à chaque escale, se tient une intrigue faite de désillusions et de doutes, dans un environnement cloisonné et étouffant, avec des interludes de ride musicaux rafraichissants.

Ce titre vous emporte pour quelques heures grâce à l’enthousiasme de ses protagonistes et les promesses de son gameplay, jamais dépassées mais plutôt bien tenues.

Gameplay
6
Graphismes et DA
6
Challenge
8
Durée de vie, rejouabilité
5
Musique et sound design
8
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Un prequel attendu
Des phases de run bien intégrées et exigentes
Des musiques de qualité
Une DA pimpée
Un peu court et peu rejouable
Un monde ouvert superficiel et minuscule
6.6