S’il est assez difficile pour les gros studios de prendre des risques, sortir des sentiers battus et ainsi nous proposer des jeux “inédits” ; le constat est différent sur la scène indépendante. C’est un énorme bac à sable qui profite grandement d’une certaine aura, rempli de tentatives, essais, mélanges et autres joyeusetés. Pacific Drive fait partie de cette seconde tranche où tout est permis ou presque. Les développeurs de chez Ironwood Studios ont décidé de laisser libre cours à leur imaginaire et nous proposer un jeu qui n’hésite pas à emprunter des recettes à plusieurs titres AAA, le tout dans un mélange qui semble savoureux. Coup de génie ou ratage complet ? C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre dans les lignes qui suivent.
Pacific Drive, le rêve américain ?
Sommaire
Pacific Drive prend place dans une région fictive du Nord-Ouest des États-Unis. C’est à cet endroit qu’à la fin des années 40, des expériences ont été menées sur une nouvelle technologie prometteuse. Malheureusement, il faut croire que tout ne s’est pas exactement déroulé comme l’envisageaient les chercheurs ! Divers phénomènes ont commencé à apparaître, très localisés au démarrage, pour ensuite prendre de plus en plus d’importance. Rapidement surnommées “anomalies”, elles obligèrent après quelques dizaines d’années à évacuer la zone et à la condamner derrière un rempart de plusieurs centaines de mètres. Le no man’s land ainsi créé s’étend sur une superficie de plusieurs centaines de kilomètres et se voit baptisé de “Zone d’Exclusion Olympique”. Cette zone est empreinte de secret et malgré les décennies qui se sont écoulées, rien n’a vraiment transpiré de ce qui s’y est effectivement passé.
L’aventure démarre alors que le joueur est en charge d’effectuer une livraison non loin de la ZEO. Mais, alors que tout semblait aller pour le mieux, une anomalie se déclenche en dehors du périmètre de sécurité et nous happe sans autre forme de procès… Après avoir repris ses esprits, notre personnage se retrouve à pied et à l’intérieur du périmètre de sécurité. Il met rapidement la main sur un vieux break délabré, mais qui va lui permettre d’échapper à une anomalie radioactive et de faire connaissance avec les trois personnages qui l’accompagneront tout au long de son périple : Francis, Tobias et Oppy. Concernant ce dernier, on se rend compte très rapidement qu’il s’agit en fait de la voiture. Et oui, non content d’être une zone particulièrement agitée, la ZEO a donné vie à toute sorte d’objets qui possèdent un genre de conscience et que l’on appelle désormais “des vestiges”.
Pacific Drive ou l’école de la survie
Les premières minutes servent de tutoriel et nos trois protagonistes vont nous guider afin de remettre notre nouveau break en ordre de marche. Il manque une roue ? empruntons-en une sur une épave qui traine au bord de la route. C’est la panne sèche ? On peut siphonner ce qu’il reste dans les réservoirs… Une fois l’essentiel installé, il faut démarrer la voiture, passer la marche avant et c’est parti ! Et oui, il faudra faire toutes ces étapes pour espérer mettre les voiles. Point très important, il faut faire l’inverse dès que l’on veut sortir explorer les environs. Car, comme en vrai, si le moteur n’est pas coupé, ce sera la panne sèche. Vous oubliez de mettre le frein à main ? Il y a de fortes chances pour qu’Oppy dévale la pente sans vous. On se frotte également à notre première mini-anomalie, et on se débrouille donc tant bien que mal pour rejoindre notre garage.
Celui-ci va servir de Hub central. Il est possible d’y faire les réparations nécessaires à notre prochaine sortie, de faire le plein d’essence ou encore de recharger la batterie. Vous manquez d’outils ? Aucun souci, puisqu’un atelier est mis à disposition pour en créer. Et une chose est certaine : vous y passerez un certain temps. D’une part, car il y a toujours quelque chose à y faire ou à bidouiller sur Oppy (et pourquoi pas la repeindre et y ajouter quelques stickers ?), ou alors tout simplement car vous y êtes à l’abri des dangers. C’est également le bon moment pour se plonger dans l’encyclopédie intégrée. Celle-ci se remplit au fur et à mesure de nos découvertes. Vous y apprendrez tout un tas de choses qui pourraient vous sortir d’un mauvais pas.
Petite ballade en Zone d’Exclusion Olympique
Mais le but principal de Pacific Drive reste bien d’en apprendre davantage sur ce qui s’est passé dans la Zone d’Exclusion Olympique, et surtout comment en sortir. Pour cela, il n’y a pas d’autre choix que de partir en exploration. Pour ce faire, il faut choisir sur une carte dans le garage le type de mission désiré : simple collecte de matériaux, histoire principale ou annexe et, point important, quels risques et type de rencontres, nous pourrions faire. Bien évidemment, la prise de risque est récompensée même si, de mon point de vue, cela reste un peu timide sur les missions à haut risque.
L’ambiance est un des points forts du titre d’Ironwood Studios. Lorsque vous partez en mission pour récupérer ce petit composant qui vous manque pour renforcer votre voiture, c’est vous contre un environnement qui ne cherchera qu’une seule chose : vous mettre des bâtons dans les roues (littéralement même parfois). Les premières fois sont les plus angoissantes tant on ne sait ce qui va nous tomber dessus : arcs électriques qui surgissent des pylônes, morceaux de terre qui se soulèvent brusquement, machines qui s’accrochent à notre véhicule et l’emmènent un peu plus loin ou qui subtilisent nos précieuses pièces de carrosserie… Et croyez-moi, la liste est loin d’être finie !
Mais ce ne serait que ça, tout irait bien. En effet, il faut encore affronter les “anomalies”. Si certaines se contentent de circuler sur la carte, d’autres en revanche se jetteront sur vous lors de vos sorties pédestres ou votre véhicule. Leur effet peut être varié, allant de la simple tempête radioactive à un véritable déchainement d’éléments. On apprend à les reconnaître avec l’expérience, mais parfois, il ne faut pas hésiter à prendre ses roues à son cou afin d’espérer en réchapper.
Pacific Drive, Roguelite, Survival ou Battle Royal ?
Pacific Drive emprunte donc certains codes du roguelite, avec, par exemple, les améliorations à débloquer au fur et à mesure. Cela nous permet ainsi de nous enfoncer un peu plus loin dans la ZEO et ainsi de suite. Autre point de ressemblance : toute sortie du garage est définitive, faisant penser au système de “run”. Et pour espérer y revenir, il n’y a que deux solutions : mourir (oui, c’est un peu radical, je sais) et dans ce cas notre break, en tant que vestige, nous ramène. Mais ce sera au prix de l’intégralité de notre inventaire glané lors de la mission échouée et avec en prime, de très grosses réparations à prévoir. Ou alors, il faut activer le système de téléportation.
Ce dernier point est une composante essentielle de nos sorties dans la ZEO. En effet, toute amélioration dans notre atelier nécessite des matériaux, mais également une énergie spécifique que l’on ne trouve que lors de nos sorties. Il faut se rendre aux Ancres, prendre la sphère dans nos petites mains fébriles et courir le plus vite possible pour la déposer dans notre système ARC sur le siège passager. Une fois un quota minimum atteint, il est possible d’activer le portail qui nous ramènera à l’abri. Celui-ci se présente sous la forme d’un énorme rayon, placé de préférence au milieu de nulle part, et dans lequel il faudra se jeter AVEC notre voiture.
Bien entendu, il convient de tenter de ramener le maximum possible d’énergie, mais cela sous-entend rester un peu plus longtemps sur la zone. Et c’est généralement là que l’on comprend ce que l’expression “c’est la fin du monde” veut dire… Les anomalies se multiplient tout comme les événements étranges. Et, cerise sur le gâteau, une zone se rétrécit de plus en plus sur la carte à la manière de Fortnite et consorts. Et il ne vaut mieux pas rester sur place, car même une Oppy survitaminée passera un mauvais quart d’heure.
Tous ces éléments font de Pacific Drive un titre qui met nos nerfs à rude épreuve. Alors oui, il y a bien quelques moments de tranquillité où il nous est permis de flâner, voire limite d’oublier ce qui se trame dans la ZEO. Mais, généralement, nous sommes très vite rattrapés par la dure réalité des choses. Sachant que les développeurs ont pris le parti de nous faire réaliser la moindre action en manuel, la moindre interaction avec la voiture peut très vite devenir compliquée.
Tout simplement un savant mélange des genres !
Mais un petit exemple vaut mieux qu’un long discours : après avoir ramassé quelques composants dans une maison abandonnée, je retourne à ma voiture pour placer mes trouvailles au chaud dans mon coffre. Je me déplace donc jusqu’à l’arrière et ouvre le coffre. J’y dépose tranquillement le contenu de mon inventaire, puis je ferme le coffre. Ensuite, direction le côté conducteur afin de prendre place sur le siège. Il faut ensuite cibler la clef de contact, démarrer, diriger le regard vers le levier de vitesse puis passer la marche avant (ouf Oppy est une automatique). Bien entendu, on n’oublie pas le frein à main…
Maintenant, je change légèrement le contexte.
Vous venez de récupérer une seconde sphère d’énergie sur une ancre, et là une anomalie surgit et se dirige directement vers vous. Pendant ce temps, des scies sortent du sol tout autour. Vous vous précipitez vers votre véhicule tant bien que mal, direction le côté passager alors que la pluie se met à tomber intensément. Ouverture de la porte, il faut se pencher et insérer la sphère manuellement… Tout prend soudainement un temps infini ! C’est fait, le vent rentre dans la danse, commençant à faire bouger Oppy. Vous vous précipitez côté conducteur, ouvrez la porte et vous vous installez derrière le volant. Un coup d’œil sur la carte à côté de vous confirme le pire. Une anomalie est sur vous, la radioactivité monte en flèche et le blindage antiradiation ne tiendra plus très longtemps. Le niveau minimum d’énergie dans l’ARC est largement dépassé. Cool, cela servira amplement pour cette nouvelle amélioration du radar qui vous fait tant envie, enfin si vous vous en sortez ! Vous appelez donc le portail. Celui-ci apparaît en contrebas, et vous écrasez l’accélérateur… Et rien ! Zut, c’est vrai, il faut démarrer…
Oppy est de plus en plus secouée, les alarmes commencent à retentir, la zone vient d’enclencher sa marche et comme par hasard, elle se ferme juste derrière vous ! Et au fait, pourquoi votre vie continue de baisser ? La porte côté passager ! Ben oui… il faut fermer les portes, car personne ne le fera à votre place ! Petit tour dehors pour rectifier le tir et retour au volant. Pas le temps de se soigner. Mais la voiture n’avance toujours pas… Pourquoi !!!! Ça sonne de partout, le vent hurle, les éléments se déchaînent et votre capot vient de décider que de prendre son indépendance serait idéal là tout de suite… Ha oui, il faut enclencher la marche avant ! C’est chose faite, Oppy bondit vers l’avant, mais la visibilité est quasi nulle, vous cherchez les essuies glaces et les mettez en fonctionnement. C’est mieux, mais avec les phares allumés, c’est le top. Sauf que le temps de faire tout ça tout en avançant, vous êtes allé trop loin. Coup d’œil sur la carte et demi-tour à travers champs. Vous filez aussi vite que possible vers cette colonne de lumière en tentant d’éviter rochers et arbres pour tenter de sauvegarder quelques éléments de la voiture. Ça y est, juste à temps avant que la zone ne vous happe, vous plongez dans la lumière… Vous revoilà à l’abri devant le garage ! Le pouls battant la chamade, il est maintenant temps de passer aux réparations, et de planifier la prochaine sortie.
Comme vous pouvez le voir, la somme de petits détails qu’il vous faut faire prend une autre dimension selon le moment de l’aventure. Et croyez-moi, vous allez parfois maudire les développeurs devant tant de sadisme. Mais le plaisir ressentit lorsque l’on arrive à rentrer en un seul morceau (ou presque) est jouissif.
Il est à noter que si cela vous effraie, l’expérience de jeu est entièrement paramétrable via les options : durée de la nuit, dégâts infligés au joueur ou à la voiture… La quantité de paramètres est impressionnante et permet à chacun de profiter du jeu à sa manière.
Une ambiance aussi lustrée que nos jantes
Graphiquement, Ironwood Studios a réussi à créer des atmosphères différentes selon les zones traversées. Si au démarrage la verdure est à l’honneur, plus nous allons nous enfoncer dans la ZEO, plus les paysages sont désertiques. Quant à la modélisation des différentes structures et des environnements, elle fait penser à Firewatch pour ceux qui s’y seraient essayés. Une mention spéciale au cockpit d’Oppy, où tout est fonctionnel et qui regorge d’informations sur l’état de notre véhicule. Les autres menus et interfaces adoptent un style rétro du plus bel effet, mais qui pourrait sembler un peu abrupt à certains. Les développeurs ne font que respecter leur background avec une Zone d’Exclusion Olympique qui a été verrouillée dans les années 70. On retrouve donc le charme de ces années-là puisque tout le matériel qui nous tombe sous la main vient de cette époque. On retrouve d’ailleurs un petit côté Fallout, ce qui colle très bien à cette ambiance très “fin du monde”.
Côté optimisation, il n’y a rien à redire sur PC. Le titre tourne sans problème en 4K sur une configuration qui a déjà 4 ans, et cela, même lorsque les éléments se déchaînent tout autour de nous.
La bande son n’est pas en reste. En effet, rien n’a été laissé au hasard et l’ambiance sonore accompagne divinement bien l’action à l’écran : craquements de branches et autres bruits suspects lors de nos sorties en forêts, bruits électroniques lors d’une visite inopinée dans un labo abandonné ou les hurlements du vent lorsque vous êtes au milieu d’une anomalie. Tout est fait pour renforcer le sentiment de solitude et d’insécurité lors de nos promenades en extérieur.
Côté musical, les développeurs ont fait appel à Wilbert Roget qui nous livre une quinzaine de titres aux sonorités aussi variées, qu’intéressantes. L’homme n’est par ailleurs pas un inconnu puisqu’on lui doit d’avoir travaillé sur Call of Duty : WWII ou encore Mortal Kombat 11. Et si jamais vous n’y trouviez pas votre bonheur, il existe un mode streamer qui les coupe afin de ne pas avoir de soucis avec les droits d’auteur en cas de retransmission sur les plateformes de streaming. Ce n’est pas grand-chose, mais l’attention est à souligner.
Conclusion
Pacific Drive est un titre où le voyage compte presque plus que l’arrivée. En effet, le titre d’Ironwood Studios sait nous emmener où bon lui semble, nous faisant profiter d’un petit instant bucolique avant de nous plonger dans une ambiance digne d’une fin du monde. Une chose est certaine, vous ne ressortirez pas indemne de l’expérience. Bien évidemment, il faudra parfois se contenter de farmer pendant quelques missions, mais la génération procédurale des intersections fait que l’on ne peut jamais être certain que tout se passera comme prévu. La vingtaine d’heures nécessaire pour en faire le tour passe trop rapidement et rien ne vous empêche de vous laisser happer par la Zone d’Exclusion Olympique et de continuer à la parcourir au gré de vos envies !