Nioh 2 vers le monde des morts
Nioh 2 vers le monde des morts

[TEST] Nioh 2 Sur le fil du katana

Nioh 2 affine la formule Souls-like de sa première itération et offre une expérience de jeu à la fois envoûtante et finement ciselée. Autour d’un gameplay toujours aussi solide, le jeu de Team Ninja se dote de nouveaux éléments qui rendent la traversée martiale de ce Japon médiéval fantasmée encore plus passionante. Malgré la persistance de quelques écueils techniques, et une histoire plutôt plate, l’univers de Nioh 2 procure à tout amateur d’action-rpg une aventure truffée de défis et de découvertes, dont la difficulté croissante sera compensée par une palette de plus en plus complète de pouvoirs à utiliser.

Jeu : Nioh 2Genre : action-RPGStudio : Koei Tecmo Games / Team Ninja Editeur : Sony Date de sortie : 13 mars 2020 Plateformes : Playstation 4 Age : 18+ Prix conseillé : 69.99€
 
Nioh 2 chef samurai
Nioh 2 chef samurai
Quand Nioh est sorti, en février 2017, il n’était pas vraiment le premier Souls-like. Déjà en 2014, Lords of the Fallen lançait le studio Deck13 Interactive sur les traces d’Hidetaka Miyazaki, le créateur des Souls. Ils continuent aujourd’hui, avec la saga The Surge, à travailler autour du chemin tracé initialement par Miyazaki et son studio Friom Software. Quand The Witcher: Wild Hunt a refondu, en 2015, son système de combat sur celui des Souls, on pouvait s’attendre à ce que d’autres leur emboîtent le pas, et ce fut le cas avec par exemple Assassin’s Creed, dont l’opus Origins, statutaire du grand bouleversement de sa formule voulu par Ubisoft (et par nous, les joueurs), fit le choix de calquer son système d’attaque et de parade sur celui de l’illustre série des Souls.

Dans cette très longue liste des jeux des années 2010 influencés par le concept des Dark Souls, Nioh s’est trouvé une place légitime, en reprenant trait pour trait la formule From Software tout en la transposant dans un Japon féodal à la fois ultra réaliste du côté des affrontements entre clans de l’ère Sengoku, et ultra surnaturel du côté des armées de Yokaï, créatures mystiques japonaises, qui se mêlent à cette réalité historique pour en travestir le déroulement. Si le schéma Soulsien est suivi à la lettre par le studio, avec ses raccourcis à débloquer, ses parades et finesses de combats et la brutalité des affrontements où le moindre trash mob peut vous one-shooter, l’intérêt réside dans la manière dont Team Ninja développe la formule pour l’enrichir de subtilités supplémentaires et d’approches variées des gameplays possibles.

Nioh 2 selfie
Nioh 2 selfie

Il n’y a pas à proprement parler de classes dans Nioh 2, mais suivant les choix que vous ferez dans l’utilisation de vos armes, des techniques ninja ou de la magie d’onmyo, vous pourrez vous retrouver avec des personnages très différents les uns des autres, et c’est l’une des grandes richesses du jeu. Vous pouvez par exemple ressembler à un vrai samurai : des techniques de sabres, un superbe katana, une tenue à faire fuir les plus horribles Onis ; et emballez, c’est tranché…

Bien que ses cinématiques soient d’une beauté absolument admirable, notamment grâce à des animations faciales dignes de Naughty Dog, le récit raconté dans Nioh 2 n’est pas des plus passionants. On y incarne un être mi-homme ou femme, mi-Yokaï, qu’on fera ici, contrairement au premier opus, ressembler à qui l’on veut, via un outil de création de personnage d’une incroyable profondeur. On se retrouve mêlé à des intrigues de conquête du Japon qui opposent plusieurs seigneurs, sur fond de recherche des pierres d’esprit, cristaux magiques pouvant faciliter l’accès au monde des morts. Notre personnage est vite rejoint par un sympathique marchand cherchant à se faire du pognon sur la revente des fameuses pierres, et qui va nous amener à rentrer au service d’un puissant dirigeant de province, pour qui nous feront évidemment le sale boulot en nettoyant certaines zones du pays de l’occupation Yokaï. Le soin apporté à l’animation et à la mise en scène des séquences animées est réellement époustouflant et on aurait aimé que le même effort soit déployé sur l’écriture générale du scénario, dont on décroche finalement assez rapidement.

Des Niohveautés…

Noyaux d’âmes et super attaque

Parmi les nouveautés marquantes, on découvre assez vite l’inclusion des noyaux d’âmes, récupérables aléatoirement sur les créatures tuées, qui nous octroient le droit d’utiliser certaines de leurs attaques dévastatrices. Ces mouvements, généralement d’une grande efficacité au combat sont attribuables à deux touches et pour les dégainer, il faudra avoir en réserve assez d’énergie Yokaï. Cette nouvelle jauge, qui vient se ranger sous les barres de vie et d’endurance, ajoute une nouvelle dimension assez jouissive au gameplay. En effet, l’accumulation de cette fameuse énergie demandera un peu de temps, mais dès que vous vous retrouverez dans une zone teintée du royaume Yokaï, si votre endurance aura beaucoup plus de mal à se régénérer rapidement, l’énergie Yokaï se renouvellera, elle, beaucoup plus vite, ce qui oblige à jongler entre des attaques classiques et des capacité spéciales suivant si vos pieds se situent en terrain corrompu ou non. Ça n’a l’air de rien mais cette simple idée ouvre des perspectives de jeu très stimulantes, pour peu qu’on arrive à bien passer d’un mode de fonctionnement à l’autre.

Nioh 2 combat avec des morts
Nioh 2 combat avec des morts

Tombes bienveillantes et alliés

Autre nouveauté, l’apparition de tombes bienveillantes. Alors que dans Nioh 1, vous pouviez affronter des versions IA d’autres joueurs morts au combat, selon ce bon vieux système de multi asynchrone popularisé par les Souls, vous pouvez désormais aussi faire apparaître ces versions IA en mode allié.

Les personnages ainsi invoqués vous suivront au combat, mais vous devrez payer ces invocations avec des coupes ochoko et le meilleur moyen d’en récolter rapidement sera de vaincre les apparitions malveillantes. S’instaure ainsi, tel un méta-jeu, de régulières sessions de combat où vous pourrez choisir parmi les IA bienveillantes un compagnon pour faire la nique à d’autres émanations de joueurs jusqu’à ce que votre stock de coupes soit satisfaisant. Cela dit, la principale utilité de ces compagnons IA sera de prendre l’aggro à votre place le temps de vous laisser vous organiser dans les combats, il ne seront pas d’une grande aide sur les combats de boss. Si vraiment vous butez sur un adversaire particulièrement retors, vous pourrez toujours utiliser les coupes pour appeler d’autres joueurs réels à l’aide. Qu’ils fassent partie de vos amis ou de parfaits inconnus, ils seront souvent plus intelligents et plus résistants que les versions pilotées par l’IA du jeu, qui peut parfois être sévèrement abrutie.

Un level design époustouflant

Si ce n’est pas à proprement parler une nouveauté, le level design, d’une ingéniosité à faire pâlir Hidetaka Miyazaki, pourtant expert dans le domaine, a été l’objet d’un travail extraordinaire. Les environnents sont ici plus grands, plus verticaux et aussi d’une grande beauté. Les décors, alternativement bucoliques, enchanteurs, dévastés ou purement oppressants ne semblent jamais aussi génériques que dans le premier Nioh et regorgent de recoins à explorer, de mécanismes à activer et de raccourcis à mettre en place. Le mission design lui-même s’accorde avec beaucoup de naturel à cette astucieuse disposition des lieux. Certains chapitres abritent des missions absolument mémorables, comme « Eaux envahissantes », qui vous fera traverser un village inondé à travers un parcours très éprouvant, qui vous poussera à forcer votre passage au milieu de deux boss et d’une horde d’ennemis très vicieux dans un environnement où votre sens de l’orientation sera mis à rude épreuve. Une pléiade de missions secondaires, toutes aussi ardues vous feront découvrir d’autres régions ou revisiter les mêmes avec des contraintes de déplacement différentes.

Nioh 2 vue d'ensemble
Nioh 2 vue d’ensemble

Un autre aspect extrêmement appréciable vient du bestiaire imposant proposé dans cette suite, avec un nombre d’ennemis rarement vu dans ce type de jeu, et même si certains sont recyclés du premier opus, il faudra vraiment attendre les dernières missions du jeu pour commencer à se dire qu’on a vu la totalité des créatures de Nioh 2. C’est d’autant plus appréciable que chaque ennemi demandant des techniques très différentes lors des affrontements, le fait de se retrouver avec autant de types de mobs nous obligera à alterner les mouvements et les placements dans des variations très diversifiées jusque très tard dans le jeu et impossible dans ces conditions de sentir s’installer une quelconque lassitude ou un sentiment de routine.

Avec sa soixantaine d’heures de jeu si vous comptez tout faire, Nioh 2 est un jeu tentaculaire dont l’aspect évolutif du gameplay, qui facilitera toujours vos éventuelles envies de variété en vous laissant changer de style aussi souvent que vous le voudrez sans vous sanctionner, lui donne une rejouabilité énorme. Si l’on ajoute à ça les missions « crépuscule », les versions hardcore de missions pré-existantes, les guerres de clans, un affrontement pvp permanent contre d’autres clans de joueurs, mené depuis votre salon de thé, la « récolte » des kodamas perdus dans les niveaux, et un new game plus, le contenu proposé par Nioh 2 garantie une bonne centaine d’heures de jeu aux plus passionnés.

Mais Aussi Quelques inconvéNioh…

Mais quand bien même les nouveautés et les améliorations sont appréciables, Nioh 2 n’échappe pas à quelques problèmes, et certains d’entre eux viennent justement d’un refus de refondre certains aspects du premier jeu. Pour commencer, la gestion de l’inventaire, quasiment identique, ne tient toujours pas compte du nombre pléthorique de loots récupérés pendant le jeu et pour démanteler, vendre ou donner vos centaines d’objets, armes et équipements, il vous faudra toujours passer par des menus qui deviennent vite fastidieux, surtout qu’ils refusent de proposer les différentes options par le biais d’un sous-menu sur les objets eux-mêmes.

L’esthétique de Nioh est aussi parfois un handicap, notamment lorsque l’on se casse les dents sur les premiers boss. En effet, le nombre de gerbes d’étincelles de toutes les couleurs, liées aux pouvoirs, au choc des armes, aux flammes, gerbes de glaces et autres nuages de poison, entravent souvent la lisibilité de l’action. Il ne sera pas rare de mourir sous l’effet d’un coup que vous n’aurez tout simplement pas vu venir sous la bouillie arc-en-ciel de ces effets très envahissants à l’écran. Et aucune option ne permet de les atténuer ou de les supprimer. Dans le même genre, Nioh 2 n’échappe toujours pas à la grande malédiction des Souls : la gestion de la caméra près des murs. Sitôt que votre dos se rapprochera d’un mur, votre personnage disparaîtra tout bonnement de l’image, et pour peu que l’ennemi soit contre vous, vous ne verrez plus ni vos mouvements, ni les siens et devrez vous en remettre à la chance pour survivre (et la chance n’existe pas, vous le savez très bien). Ce ne serait pas tant un problème si le jeu ne prenait pas un malin plaisir à nous plonger si souvent dans des zones volontairement très exiguës. A croire que nous torturer à l’aide de ce défaut inhérent à la nature tps du jeu les amuse…

Nioh 2 Tori casse arbre
Nioh 2 face à l’arbre

Mais ces quelques déconvenues ne ternissent pas énormément les immenses qualités de Nioh 2. Bien sûr, on est en droit d’espérer d’un jeu qui copie aussi littéralement une formule éprouvée par des concurrents qu’il essaie au moins d’en améliorer les défauts et si ce n’est pas un succès sur la gestion des murs et de la caméra, c’en est par contre un très net au niveau des temps de chargement, quasi inexistants, et qui sont ultra-appréciables dans un jeu où on meurt aussi souvent.

Nioh Game Plus

Nioh 2 réussit donc dans l’ensemble une belle évolution en offrant une expérience plus riche, plus large et un gameplay toujours aussi technique et précis. Avec son univers splendide et sa palette de jeu intelligente et variée, arpenter les sentiers mal fréquentés de ce Japon médiéval hanté est un plaisir sans cesse renouvelé. En rendant les boss plus violents mais aussi moins « sacs à PV », Nioh semble avoir trouvé un équilibre salutaire entre sa difficulté (toujours très présente) et les moyens donnés au joueur pour l’affronter. En optant pour une approche plus exigante mais moins punitive, l’équipe de Team Ninja semble vouloir réconcilier le côté hard core et le plaisir de la découverte. Nioh 2 ne vous confrontera pas à un boss pour lequel vous ne pourrez pas appeler quelqu’un à l’aide (dans la quête principale, tout du moins, c’est une autre histoire pour les missions secondaires) et même si la difficulté globale du jeu reste relativement extrême, le jeu fait un très bel effort pour ne jamais la rendre rédhibitoire. Si Nioh 2 n’atteint jamais la mise en scène saisissante de Sekiro, le jeu avec lequel il est impossible de ne pas le comparer au moins une fois, il se pourrait bien que Nioh 3, en tout cas s’il bénéficie du même amour que Team Ninja semble avoir voué au 2, puisse au moins jouer dans la même cour que son cousin de From Software.