Le 1er novembre Lonesome Village sortira sur PC, Nintendo Switch et Xbox. Développé et édité par Ogre Pixel, amateur comme son nom l’indique de fantasy et de pixelart, le jeu se positionne sur le créneau des indés beaucoup trop mignons qui veulent avaler goulûment le peu de temps que vous accorde la vie en vous tabassant de quêtes, de puzzles et de plantes à regarder pousser.
Animal Crossing x Âne Trotro
Sommaire
Bon. Ma santé mentale se rétablit tout doucement et je peux maintenant vous faire part de mon ressenti. J’ai eu envie de mourir dès les premières secondes et pourtant, pourtant, je suis allée jusqu’au bout, comme quoi quelque chose, je ne sais pas trop quoi, a quand même fonctionné. Il a fait naître en moi une foule d’émotions contradictoires, une colonne de rage et de désespoir qui m’ont maintenue en vie pendant les 15 heures qu’il m’a fallu pour en voir le bout. J’ai été imbuvable pendant deux jours mais ça valait le coup : après ça Minami aura une dette éternelle envers moi et je pourrais la faire chanter jusqu’à la fin des temps.
Concrètement, vous êtes un coyote et vous allez jouer le rôle de sauveur de tout un village d’animaux choupis qui ont besoin de vous pour être libérés d’une tour infernale. Vous grimpez les étages de la tour en passant avec succès des séries de puzzles, les animaux libérés rejoignent leurs pénates (le cafetier, la vendeuse de vêtements, le banquier etc.) et le village ainsi que les biomes avoisinants (la forêt, la jungle, le désert, la plage, le marais et la montagne) se réaniment doucement, ce qui vous permet d’accéder à une multitude de petites quêtes avec eux, de vous installer dans votre propre maison, de faire un jardin, des meubles, manger des tartes à la fraise et acheter de nouveaux habits. Bref, au bout de l’aventure, chiller à la Animal Crossing. Oui. Mais non.
C’est quoi le problème ?
Lonesome village, c’est beaucoup trop mignon
Est-ce que l’esthétique du jeu m’a perturbée, avec ces animaux de dessins animés pour très jeunes enfants qui n’ont pas de mains mais juste des boules et des pieds qui ne sont pas accrochés à leur corps ? Oui, mais je peux mettre mes goûts personnels de côté et avancer dans la vie quand même. C’est pas parce que j’ai un cuir à la place du cœur qu’il faut en dégoûter tout le monde, hein ? C’est mignon. Je crois.
Les podologues le détestent
Est-ce que les quêtes Fedex m’ont saoulée ? Sachant que vous libérez une trentaine de PNJ (plus en fait puisque vous libérez aussi ses potes et toute sa petite famille au passage, mais disons 30 puisque c’est le nombre d’étages de la tour) et que chacun a une à trois demandes à vous faire, ça fait pas mal de quêtes. Certaines sont moins passionnantes que d’autres, quand il s’agit par exemple de mettre la main sur un jouet pour chat ou des verres à smoothie, d’autant qu’au début du jeu vous trouverez l’objet juste avant qu’on vous le demande, tout à fait par hasard. Ensuite, ces quêtes seront un prétexte pour vous faire farmer tout un tas de matériaux et là ça se gâte : il faut un temps infini pour abattre un arbre et l’animation est désespérante, idem pour taper dans un rocher et surtout, surtout, le chill est absolument absent quand il s’agit de faire pousser des trucs dans votre jardin. Les sons associés à chaque étape – creuser, planter, arroser– sont juste désagréables et l’enchainement des actions fastidieux. Les trous qui se rebouchent quand on change d’écran on en parle ? Et d’où mes plantes ne me fournissent pas de graines, on est chez Monsanto là ou quoi ?? Quand j’ai vu que le zèbre du cimetière me demandait 6 plantes de la même couleur MAIS qu’elles poussaient en trois coloris de manière aléatoire, j’ai soufflé à l’idée qu’il fallait que je multiplie par trois ma production pour espérer peut-être pouvoir me conformer à sa demande. Et quand j’ai compris que pour faire ces gâteaux il me fallait des dizaines de poires, des dizaines de fraises et des dizaines de grenades, j’ai fait une pause, carrément. J’avais envie de leur demander de se sortir les doigts, à un moment.
Mais le vrai problème de ces quêtes, c’est la gestion de l’inventaire. Vous avez un petit sac à dos tout mignon où vous pouvez ranger quinze (15) objets différents, objets… qui n’ont pas de noms. Allez mémoriser la trouzaines d’items dont vous aurez besoin pour telle quête, juste avec leur image, en quantités variées, sachant que vous n’avez pas vraiment la place d’accumuler des objets pour plus d’une ou deux quêtes, que les coffres où vous pouvez vous délester ne sont qu’au centre de la carte et que le récap d’aucune quête ne s’affiche nulle part. Vous commencerez à faire des allers-retours à n’en plus finir, et à virer dingue. Alors j’ai sorti un papier, un crayon, j’ai donné de mon propre chef des noms aux dizaines d’objets que je devais rassembler, j’ai fait des listes avec le nom du gonze, son emplacement et un ptit dessin qui va bien à côté et là, j’ai commencé à un peu moins souffrir. Sauf erreur de ma part, c’était pas le boulot du jeu de me fournir tout ça ? Si tu avais entendu mes cris de désespoir quand je me suis rendu compte qu’il me manquait une (1) carotte pour accomplir cette tâche après quatorze (14) allers-retour entre les différentes zones, puis, rendue dans mon potager, que j’avais oublié mon arrosoir… aucun jeu ne mérite qu’on souffre à ce point.
Des mini-jeux comme s’il en pleuvait
Est-ce que je n’aime pas les puzzles ? Non parce qu’apprêtez-vous à faire des dizaines et des dizaines de puzzles, dont certains franchement obscurs, tordus ou beaucoup trop simples. Je n’ai pas spécialement honte de dire que j’en ai résolus certains sans avoir compris DU TOUT ce qu’il fallait faire. Si vous aimez ça, par contre, vous allez prendre votre pied. Il faudra juste passer par-dessus les quelques bugs et le level design parfois problématique : t’es là, à jouer ton personnage ET son double qui se déplace en miroir mais la porte de sortie du donjon est trop près de ta zone de déplacement et BIM tu sors par erreur et tu dois reprendre toute la série – et cela six fois de suite. Ce système remplace les combats, il n’y aura aucun animal maltraité dans ce jeu… enfin, presque. La fin est hardcore pour un jeu de ce type mais bref.
Nul homme n’est une île
Est-ce que le côté life-sim et personnalisation est aux fraises ? Vous pouvez meubler votre petite maison, faire pousser vos fruits et légumes, oui, c’est mignon, mais c’est bugué. A la manette c’est une horreur, les menus n’en faisaient qu’à leur tête, et il fallait parfois la débrancher pour cliquer sur le bouton de retour. Et au clavier ? J’en sais rien, j’étais trop crispée. De toute façon, l’accumulation de ressources pour construire est tellement pénible que j’ai jeté l’éponge avant même d’essayer. En outre, vous ne craftez rien vous-même et il n’y a pas de « magasin général » où meubles et décorations seraient centralisés et joyeusement accessibles, non, il faut aller voir le peintre, le charpentier, le forgeron, le bijoutier, le boulanger et ainsi de suite. Aux quatre coins de la carte. Tout porter dans votre inventaire riquiqui, les ressources d’abord puis les meubles ensuite. Puis batailler avec les menus, donc. Sinon, vous pouvez changer de bottes, de chemises et de chapeau. Voilà.
Bref.
Une fois que j’étais dans ce mood mi-rage, mi-confusion, c’était fichu : les traductions approximatives me sautaient aux yeux, chaque son me retournait le cerveau (les roulades, LES ROULADES, qui te permettent d’aller plus vite MAIS qui sont insupportables à entendre) et petit à petit, je caressais l’idée de transformer tout ce joli petit village en turducken, moi qui suis non-violente de base.
Pour apprécier ce jeu, il faut prendre avoir du temps, ne surtout pas vouloir en découdre finir trop vite, vous seriez juste bon à vous faire un ulcère, et ce serait le comble, sur un wholesome game coloré et sans violence, non ? Je vous le prescris donc à petites doses, disons une à deux heures par jour (environ 3 étages de la tour + une ou deux quêtes), mais seulement une fois par semaine, pour les 10 ans à venir, avec un bain de pied à la lavande, une camomille et aucun gosse qui couine en arrière-plan (il pourrait être dangereusement attiré par les graphismes). Vous ne trouverez aucun playthrough complet sur Let’s Frag ! cela va sans dire (mais ça va mieux en le disant).