Lil’ Guardsman, c’est le tout premier jeu des studios Hilltop, et il n’est pas passé inaperçu ! Bien avant sa sortie, une promotion assidue sur les réseaux sociaux faisait parler de ce jeu et de son concept hérité de l’iconique Papers, Please ! de Lucas Pope, mâtiné de Night in the Woods et de Monkey Island… Références à la fantasy, humour méta, visuels sympa, Lil’ Guardsman avait tout pour plaire… et je n’ai pas été (trop) déçue !
Il était une fois…
Sommaire
Vous avez 12 ans, vous êtes moins haute qu’un tabouret de bar et votre père parieur compulsif compte sur vous pour le remplacer à son poste de garde à l’entrée de la ville de Sprawl. Dit comme ça, on prend doucement le chemin des maltraitances familiales et des abus du capitalisme qui fait travailler des enfants. Autant vous le dire : ça ne va pas s’arrêter là. Travail de nuit, heures supp’, salaire dérisoire et pas un syndicat à l’horizon.
Pire : Lil’ va se retrouver plongée jusqu’au cou dans les affaires du royaume, alors qu’elle n’a de cesse de le répéter : elle n’a que 12 ans ! Il faut dire que les conseillers de la princesse Desdemona sont d’horribles boulets et que les puissances voisines lorgnent en direction du royaume de Sprawl comme la misère sur le pauvre monde.
Bref, armée d’un fouet, d’un spray de vérité et d’un détecteur de métal, c’est à VOUS de filtrer les entrées et de laisser à l’extérieur de la ville tout ce qui pourrait perturber la paix toute relative de ce royaume en perdition…
Lil’ Guardsman : un jeu à choix ?
Lil’ Guardsman se présente comme un jeu à choix, aux multiples embranchements narratifs. Vraiment ?
Nombre de vos actions ont en effet des conséquences sur la narration et la suite des évènements. Conséquences, toutefois, plutôt mineures. Il n’existe que 4 fins possibles à ce jeu qui résout en réalité ses ramifications narratives à la fin de chaque journée, sous forme de textes qui présentent le destin modifié par vos soins des personnages que vous avez croisés pendant votre journée de travail. Pour l’essentiel, vous ne prendrez qu’une poignée de décisions réellement significatives sur votre partie. Elles ne changeront fondamentalement ni la fin du jeu, ni son gameplay.
On peut donc regretter que Lil’ Guardsman n’aille pas au bout de son concept. De ce côté-là, il supportera plutôt mal la comparaison avec Papers, Please ! qui offrait une fresque politique littéralement clivante en laissant lae joueureuse s’amuser avec sa propre moralité. Ici le propos n’est pas politique (il y est vaguement question de tolérance et d’altérité mais le jeu ne vous permet pas vraiment de vous amuser avec). Vous n’êtes pas à Arstotzka, le chill avant tout : le plaisir est ailleurs.
Enquêtes et paris sportifs
L’intérêt du jeu se situe plutôt dans son ambiance et ses ressorts ludiques. Il alterne phases d’enquête, avec vos outils de gardien de porte en quête de vérité, et phases « d’exploration » dans le royaume de Sprawl, qui sont souvent prétexte à de gros délires, comme ce jeu télévisé auquel vous êtes conviée pour déterminer quel bras cass… héros aura l’honneur d’aller partir à la recherche de la princesse disparue.
Avant tout narratif, Lil’ Guardsman se fait fort de vous écarter de la routine métro-boulot-dodo propre aux jeux de simulation de job : les journées de travail se suivent mais ne se ressemblent pas. Jour « off », travail de nuit, paris sportifs au gré de la saison de matchs de goblinball : Lil s’investit dans des activités variées qui mettront à rude épreuve vos capacités de prédiction. À vous de comprendre à quelle logique obéit telle ou telle situation, en vous reposant sur les indices distillés par la narration et le level design.
La ville de Sprawl est toute petite. Ce n’est pas un monde ouvert que vous pouvez visiter à l’envie et vous n’aurez pas souvent le choix dans vos déplacements. Les commandes de votre petite héroïne sont d’ailleurs un peu malaisées : la hit box des PNJ à qui vous voudrez parler vous laissera quelque fois perplexe. Avec Lil’ Guardsman, vous êtes sur des rails, pour les phases d’exploration… mais aussi les phases d’enquêtes.
« Tools of the trade »
Chaque jour, 4 à 8 PNJ se présentent à votre porte et vous devez vous efforcer de suivre les consignes fournies par les conseillers du trône dans son edit quotidien, épinglé sur votre mur. En discutant avec les PNJ et en (ab)usant des outils à votre disposition (spray de vérité, détecteur de métaux, fouet, rayon X et anneau décodeur de messages secrets, ainsi qu’une ligne téléphonique directe vers chacun des conseillers), vous devrez déterminer la meilleure façon de résoudre chaque rencontre.
Cette « meilleure façon » est souvent la seule qui vaille vraiment et consiste la majorité du temps à mettre la main sur un item décisif. Les objets confisqués peuvent alors être revendus afin d’améliorer votre arsenal… enfin, quand je dis « améliorer », il ne s’agit pas de le rendre plus performant mais de pouvoir l’utiliser plus souvent, puisque leur usage est limité par le nombre de cristaux que vous pouvez y allouer. Ces cristaux s’achètent chaque soir auprès de l’unique marchand de la ville. Vous devrez vous montrer un peu économe pour ne pas en manquer au moment propice.
Contrairement à Paper, Please !, votre gestion de la populace n’entraine pas votre adhésion à telle ou telle faction et dans bien des cas, un personnage que vous refuseriez à votre porte en trouvera une autre pour rentrer quand même… Lil’ Guardsman ne raconte qu’une seule histoire, vous avez peu d’influence sur celle-ci, mais il la raconte bien.
Une narration soignée
Le jeu est tout en anglais, mais si vous avez la chance de bien comprendre la langue de Shakespeare, vous profiterez de ses savoureux dialogues, de son humour judicieux et de ses nombreuses références tout aussi judicieusement placées : contes, films, jeux, tout y passe. Jamais lourdingue, toujours cohérent dans sa propre narration, Lil’ Guardsman est drôle, très drôle. Ses personnages hauts en couleur bénéficient tous d’un doublage très réussi et d’un chara design sympa.
Qu’il soit question de guerre, d’enlèvement, de racisme ou d’emprise psychologique, Lil’ Guardsman ne se dépare jamais de son humour et de sa petite musique joyeuse, parce que vous avez 12 ans et une dose de confiance en vous dont vous n’auriez même jamais osé rêver IRL. C’est beau la jeunesse.
Ligne du temps et pieds dans le tapis
Une des mécaniques centrale du jeu, c’est le Chronometer 3000 : une petite merveille de technologie fantastique (en sable et en pierre, donc) qui vous donne le droit de relancer tout ou partie de votre journée de travail depuis votre guichet (et uniquement là, mais vous pouvez aussi relancer à l’envie chaque niveau du jeu depuis le menu principal).
Or, depuis que l’on écrit des histoires sur les voyages dans le temps, on le sait : ça crée des interférences historiques… et des incohérences narratives. Lil’ Guardsman n’y échappe pas. Pire : ça crée de bugs, des bugs en bits. Objets qui se baladent d’une timeline à l’autre, dialogues incohérents, le jeu se prend parfois les pieds dans son propre tapis.
L’utilité de cette mécanique, par ailleurs, est discutable. Moi qui suis une perfectiste névrosée, j’ai apprécié pouvoir relancer une portion de mon gameplay pour l’améliorer et c’est heureux, parce que le jeu ne vous donne pas le loisir de vous rater. En-deçà d’un certain niveau de performance, c’est le game over, vous ne pouvez donc pas vraiment vous amuser à vous planter et voir ce que ça fait : ça ne fait rien. En effet, pour chaque PNJ qui se présente à votre guichet, vous avez 3 points d’action et pas un de plus pour déterminer ses intentions et de la marche à suivre : le faire entrer, le laisser dehors, ou le jeter en prison. Le jeu est alors très punitif, votre marge d’erreur est très limitée – et le fun aussi du même coup.
Conclusion
Trop directif, trop limité dans ses choix narratifs, Lil’ Guardsman n’en reste pas moins très divertissant et sympa à jouer. Son récit est truculent, ses personnages désopilants et son gameplay plutôt cool. Il vous offre une dizaine heures de jeu pour boucler votre première run et la possibilité de relancer quelques parties pour jeter un œil à ses embranchements narratifs. J’ai adoré son ambiance, son aspect « puzzle » dans ses phases d’enquêtes et son humour bien dosé. C’est un shot de couleurs et de bonne humeur, un petit voyage dans le monde de la fantasy.
Et si comme moi vous êtes un·e perfectiste névrosé·e, retrouvez la soluce complète du jeu sur Lets’ Frag !